La lettre intersyndicale en PDF pour impression
Lettre ouverte à monsieur le Maire
Non à la mise en place d’une cité éducative à Villejuif
Objet : demande d’audience en urgence
Villejuif le 6 septembre 2021
Monsieur le Maire,
Le 30 août, lors de la réunion de prérentrée des directeurs d’école de la ville, Madame l’Inspectrice a annoncé que le préfet l’avait informée que la ville de Villejuif avait engagé une procédure pour obtenir la labellisation cité éducative. D’après le préfet, un dossier devrait être déposé auprès de la préfecture avant le 30 septembre pour finaliser cette démarche.
Monsieur, le Maire, vous n’êtes pas sans savoir qu’il ne s’agit pas d’un simple label, mais que la constitution d’une cité éducative entraîne une transformation radicale du fonctionnement des écoles qui y sont inscrites.
Dès lors, comment comprendre que vous n’ayez pas cherché au préalable à solliciter le point de vue des organisations syndicales et des personnels de l’Education Nationale ainsi que celui des parents et de leurs organisations ?
La mise en place des cités éducatives constitue un élément essentiel de la politique du ministre Blanquer dont les mesures prises depuis près de 5 ans remettent en cause systématiquement l’Ecole publique, son cadre national et le statut national des enseignants.
En 2019, dès les premières tentatives de mises en œuvre de cités éducatives dans le département, les organisations syndicales départementales SNUDI-FO 94, SNUipp-FSU 94, CGT Educ’action 94 et Sud Education 94 ont pris position contre leur mise en place et ont effectué des démarches communes en direction des maires de Créteil, Orly, Champigny et Chennevières en leur demandant de ne pas signer les conventions les mettant en place.
En février 2019, les enseignants des écoles de la cité éducative de Mont-Mesly de Créteil, soutenus par les syndicats SNUDI-FO, SNUipp-FSU, CGT Educ’action et SUD Education, se mobilisaient avec succès contre la tentative d’imposer un protocole et une tutelle pédagogique de « l’association AGIR pour l’École » sur toutes les classes de grande section de maternelle, au mépris de leur liberté pédagogique, inscrite dans leur statut.
Dans une lettre ouverte au Maire de Créteil, les enseignants des écoles du Mont-Mesly avec les 4 organisations syndicales indiquaient « Nous sommes enseignants, fonctionnaires d’Etat, nous ne voulons pas devenir des « moyens mutualisés » dont l’utilisation serait déterminée par une convention que vous avez signée avec l’Etat permettant de nous sortir du cadre légal de l’Education Nationale. Nous ne voulions pas des EPSF[1] et de la loi Blanquer, nous ne voulons pas plus aujourd’hui être placés sous l’autorité d’un principal de collège « tête de réseau ».
Nous relevons exclusivement du Ministère de l’Education Nationale et nous refusons de perdre nos droits liés à notre statut, notamment notre liberté pédagogique. Nous ne voulons pas que nos écoles servent de « laboratoires » à des courants de pensées pédagogiques ou autres, remettant en cause le caractère laïque de l’école publique. Nous ne voulons pas d’un cadre dérogatoire aux programmes nationaux d’enseignement, aux diplômes nationaux d’enseignement déjà fortement menacés avec la loi Blanquer et la réforme du Baccalauréat.
Nous ne voulons pas d’une « école des territoires » où les écoles, les collèges et les lycées seraient soumis au projet éducatif territorial propre à chaque collectivité. »
En février 2021, ce sont les enseignants et les parents des écoles Anatole France A et B de la cité éducative du Bois-l’Abbé à Champigny qui se mobilisaient encore avec succès avec le SNUDI-FO et le SNUipp-FSU, contre un projet de fusion d’écoles, aboutissant à la suppression d’un poste de direction. Dans le cadre de la mutualisation des moyens[2] de la cité éducative, il s’agissait de passer de deux écoles élémentaires de 9 et 10 classes, avec deux directeurs totalement déchargés, à une seule école de 19 classes avec un seul directeur.
Monsieur le Maire, les cités éducatives sont un outil pour remettre en cause le caractère national de l’Ecole publique en plaçant les écoles sous la tutelle des municipalités et déroger aux statuts et à la réglementation nationale pour imposer un fonctionnement d’un nouveau type sous l’autorité du chef d’établissement du collège. Sur décision du Ministre, les directeurs d’école en cité éducative sont d’ailleurs maintenant choisis au profil, après un entretien, en dérogeant ainsi aux règles d’attribution des autres postes de directeurs.
Pour nous, l’Ecole publique ne peut être que nationale. L’Ecole publique républicaine c’est l’égalité des droits, ce n’est pas une école « sous contrat », à l’instar des écoles privées. Nous nous sommes battus pour le retrait de la loi Blanquer et de ses EPSF. Il est hors de question pour nous d’accepter leur mise en œuvre par la création d’une cité éducative.
De plus, il y a quelques jours, le Président de la République, en visite à Marseille, vient d’ annoncer un statut dérogatoire spécial pour 50 écoles marseillaises dès la rentrée 2022, écoles dans lesquelles les directeurs choisiraient les enseignants, et la création d’une société « ad hoc », présidée par le maire de la ville et pilotée par l’Etat, plaçant l’Education Nationale sous la coupe des collectivités locales, généralisant une autonomie pour modifier calendrier scolaire, horaires, rythmes avec la participation « d’acteurs extrascolaires ».
Il indique que cette expérimentation pourrait être plus largement étendue par la suite. Il ne fait nul doute que les cités éducatives seront les premiers lieux de la mise en œuvre de ce bouleversement du fonctionnement de l’Ecole de la République ouvrant une brèche supplémentaire contre le statut des personnels.
Considérant ces éléments, nous vous demandons de surseoir immédiatement au dépôt d’un dossier de labellisation cité éducative et d’abandonner tout projet de mise en place d’une cité éducative à Villejuif.
Nous sollicitons une audience en urgence à ce sujet.
Dans l’attente de votre réponse soyez assuré, Monsieur le Maire, de toute notre considération.
Luc Bénizeau pour le SNUDI-FO 94
Jean-Baptiste Bennoit pour le SNUipp-FSU 94
Christine Mazurier pour la CGT Educ’Action 94
Amélie Raynaud pour la CNT éduc 94
[1] EPSF : Etablissements Publics des Savoirs Fondamentaux. La député LRM Cécile Rilhac avait fait inscrire par un amendement à la loi école de la confiance la création d’EPSF qui regroupait plusieurs écoles avec un collège et plaçait les différents établissement sous la tutelle du principale de collège devenant supérieur hiérarchique. L’amendement a été retiré suite à la mobilisation des enseignants, mais le Vademecum, du Ministère de l’Education Nationale consacré aux cités éducatives, indique en que l’Etat procédera à « la désignation d’un Principal de collège comme chef de file pour l’ensemble des établissements relevant de la cité éducative, et à ce titre déchargé d’une partie de la gestion de son établissement.» Les écoles relevant d’une “cité éducative” seraient donc soumises à l’autorité d’un principal « chef de file », aussi appelé « principal du collège pivot ». Le ministre Blanquer refait passer par la fenêtre ce que la mobilisation des collègues a repoussé par la porte.
[2] C’est, rappelons-le, aussi en vertu de la mutualisation des moyens qui est au cœur des cités éducatives, que l’ancien Maire de Villejuif a tenté de fermer la maternelle Karl Marx en répartissant les élèves sur les autres écoles maternelles et a aussi, sur demande du ministre Blanquer tenté d’imposer la fusion des écoles maternelle et élémentaire Paul Vaillant Couturier. Dans ces 2 cas c’est la mobilisation unie des enseignants et des parents avec nos syndicats qui a imposé un recul sur ces projets qui étaient communs au maire et aux autorités de l’Education Nationale.