Déclaration préalable de la FNEC-FP-FO au CHSCT-A du 28 mai 2020

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DECLARATION PREALABLE DE LA FNEC-FP-FO AU CHSCT-A DU 28 MAI 2020

Monsieur le Recteur,

La situation est kafkaïenne.

Ce CHSCT académique se tient le jour même où le gouvernement s’apprête à faire ses annonces sur ce qu’il appelle « la phase 2 » du déconfinement. Le Ministre de l’Education Nationale a d’ores et déjà annoncé son ambition : il veut un mois de juin « plein et entier de rescolarisation » et plaide pour une réouverture plus large des établissements scolaires dès le 2 juin, avec celles notamment de tous les collèges, voire des lycées professionnels, même en zone rouge, tout en précisant que le protocole sanitaire resterait inchangé.

Or, s’il est une leçon à retenir de la « phase 1 » du déconfinement, que nous connaissons dans les écoles de l’académie depuis le 11 mai, c’est que ce protocole sanitaire est, de l’avis même des personnels du 1er degré, totalement inapplicable et génère un stress et une tension permanentes dans les écoles !

Car contrairement à ce que le Ministre laisse croire, le retour des élèves dans les écoles du 1er degré s’est déroulé dans des conditions parfois inacceptables, parfois ubuesques et en tout état de cause extrêmement difficiles pour les personnels.

Ainsi, des écoles ont constaté avec stupéfaction des livraisons de masques adultes en nombre insuffisant, conditionnés dans des cartons, et donc manipulés au préalable dans le cadre d’un protocole à ce jour inconnu. Aucun membre du CHSCT n’a été informé du type de masques, de leur origine, de leur composition. Non seulement nos collègues ne sont pas équipés en FFP2, mais de surcroît ils ne bénéficient pas de tests de dépistage, y compris lorsqu’ils auraient pu être exposés au virus. Dans les collèges et lycées aujourd’hui, des personnels de vie scolaire, des personnels administratifs sont convoqués. Dans certains endroits comme au collège V. Hugo de Cachan, les conseils de classe sont même convoqués en présentiel ce 28 mai … mais aucun masque n’est fourni, et quand les personnels en demandent, on leur répond de se les apporter eux-mêmes ! Dans les lycées professionnels, quand la continuité pédagogique était difficile à mettre en place, les AED n’ont pas eu d’autres choix que de faire les coursiers aux devoirs, au péril de leur santé. Au lycée Jean Macé de Vitry, des classes entières ont été convoquées dans l’établissement au mépris du confinement et de la sécurité. A Gabriel Péri, lundi dernier, se tenait un conseil pédagogique en présentiel violant par-là, la doctrine officielle. Et ailleurs, des collègues s’étonnent de supposées autorisations délivrées à leur établissement pour fabriquer des masques sur la période des vacances jusqu’aux confins de l’acceptable.

Des interrogations portant sur les modalités de retour ou plutôt d’accueil taraudent les esprits. Nos collègues dans leur majorité réfutent cette éventualité au vu de l’opacité de la situation générale tant sur le plan structurel qu’organisationnel. Beaucoup déplorent une confusion dans le cadrage de ce qui relève des ASA et l’inscription dans le travail distanciel. Par ailleurs, ceux qui travailleront en présentiel seront-ils couverts par un ordre de mission ?

Sur les spécialités professionnelles, des interrogations nombreuses demeurent sans réponse autour du manque de points d’eau, de la fourniture de masques (homologués) aux élèves et professeurs fréquentant les ateliers sur de grandes plages horaires et sur l’impossibilité à respecter la distanciation dans beaucoup de champs professionnels. A ce propos, nous demandons une véritable feuille de route qui garantisse l’occupation des classes avec une obligation de prudence, qu’elle soit établie en toute transparence et approuvée en CA pour sécuriser le retour de tous ; un retour dont le bénéfice est incertain.

Et qu’en est-il des autres moyens de protection nécessaires ?
Ainsi, quand les établissements disposent de suffisamment de gel hydroalcoolique, celui-ci n’est pas toujours virucide comme l’ont signalé plusieurs collègues de plusieurs communes de l’Académie ! Les lingettes désinfectantes sont en rupture de stock dans certaines communes, comme à Créteil ! Combien d’établissements ne disposent pas de thermomètre sans contact, et ne peuvent donc pas vérifier la température d’un élève qui présenterait des symptômes du COVID. Des difficultés concernant le nettoyage des locaux nous sont également signalées ; des communes étant rentrées dans un rapport de force sur cette question avec les directrices et directeurs, abandonnés par leur hiérarchie directe qui les laisse par ailleurs gérer l’impossible !

Nous ne pourrions accepter que se multiplient ces situations dans l’hypothèse où les collèges et/ou lycées réouvriraient, c’est pourquoi nous vous demandons quelles mesures vous comptez prendre pour faire en sorte que tout le matériel nécessaire soit à disposition dès mardi. Pouvez-vous nous confirmer que le nombre de masques sera livré en nombre suffisant dans tous les établissements scolaires le 2 juin et après ? Pouvez-vous nous assurer que le gel hydroalcoolique livré dans les écoles est virucide et correspond à la norme EN14476 ? Ce qui répétons-le n’est pas toujours le cas actuellement …

Autre source de grand stress chez nos collègues du 1er degré lors de cette « phase 1 » : l’obligation qui leur est faite de sélectionner les parents qui peuvent déposer leurs enfants à l’école des autres parents. La liste des élèves prioritaires sera-t-elle maintenue ? allongée ? Pour notre part, nous n’acceptons pas que l’institution laisse aux enseignants et aux directeurs d’école la responsabilité de devoir choisir les élèves qui peuvent être ou non accueillis dans les écoles. Cette responsabilité qui ne relève pas de leurs ORS engendre des RPS importants pour nos collègues qui se retrouvent confrontés à la colère de parents souvent désespérés par la peur de perdre leur emploi.
Nous demandons que cette responsabilité incombe aux IEN dont c’est le rôle !

Par ailleurs, autre élément saillant de cette « phase 1 », le fait que les mairies, sommées de prendre en charge les conditions de la reprise, en profitent parfois pour intervenir dans l’organisation pédagogique des écoles, contre l’avis des enseignants, au mépris du statut et des conditions de travail des personnels. Ces interventions municipales sont le résultat de l’abandon volontaire des prérogatives de l’Education Nationale qu’a décidé le Ministre Blanquer.

Enfin, les enseignants se voient imposer une charge de travail insupportable entre le travail en distanciel et en présentiel. Les obligations de service, le groupe classe sont ainsi remis en cause dans des dispositifs temporaires dont le Ministre indique déjà qu’ils seraient « l’école de demain ». Cette impossible organisation du service en distanciel et en présentiel génère malaise et souffrance ce qui est mis en exergue par plusieurs fiches RSST remontées ces derniers jours.

Nous le répétons, les tensions dans les écoles sont marquées. Le manque d’informations claires conduit chaque école à se débrouiller seule et parfois à prendre des décisions hasardeuses.

Le 11 mai dernier, vous avez transmis à tous les personnels une circulaire intitulée : « modalités de gestion des personnels lors du processus de déconfinement progressif ». Cette circulaire donnait des indications sur la gestion des ASA pour gardes d’enfants, sur les cas de télétravail, donnait la liste des « personnes vulnérables » … Les personnels doivent ils considérer qu’en l’absence de nouvelle circulaire, c’est celle-là qui prévaudra, y compris pour les personnels des collèges et lycées susceptibles de rouvrir ? Pouvez-vous nous confirmer que les personnels en ASA conserveront tous leurs droits indemnitaires ?

Profitant de ce contexte particulièrement éprouvant, le Ministre annonce la poursuite ou la mise en place de nombreuses contre-réformes visant à parachever la dislocation des statuts des personnels et des droits qui s’y rattachent. Citons en particulier :
– Cette proposition de loi n°2967 qui vise à généraliser l’enseignement numérique à distance dans les lycées, collèges et écoles élémentaires. Pour le Ministre, l’école de demain sera à distance ! Il a même annoncé que Poitiers, qui accueillera en novembre 2020 les états généraux du numérique, serait baptisée « capitale de l’éducation ». On imagine aisément les économies ainsi visées par le ministère, ainsi que les larges secteurs promis à la privatisation, « aux opérateurs » comme les appelle le Ministre,
– Le projet de loi visant à avancer vers la mise en place d’un statut de directeur d’école, en lien avec une autonomie accrue des écoles,
– L’extension des 2S2C (Sport, Santé, Culture Civisme) imaginés, dans le cadre de la réouverture des établissements scolaires, pour renforcer la confusion pendant le temps scolaire entre les enseignements obligatoires relevant de la responsabilité de l’Etat et des dispositifs encadrés par des intervenants extérieurs recrutés par les collectivités ou par des clubs sportifs ! C’est un pas de plus vers la territorialisation à marche forcée de l’école !

Dans le même temps, les droits fondamentaux des personnels se voient remis en cause, voire contestés. L’esprit de la loi se voyant ainsi transmué en fait du Prince. Ainsi,
– Le droit de retrait se voit ouvertement contesté par M. le Ministre qui semble ignorer qu’il est strictement encadré par la loi. Pour ce qui nous concerne, qu’en est-il du collège Paul Eluard de Montreuil et du lycée Blaise Cendrars ?
– Il en va de même du rôle du CHSCT qui n’a pas pour fin d’entériner les décisions ministérielles. La réglementation est claire. Il a pour fin de donner un avis sur les décisions.
– Pire encore, la législation du travail n’est pas appliquée en termes d’équipements de protection individuelle, de masques, de tests. À ce propos, qu’en est-il de la réponse au protocole d’alerte déposé par FO ? Disposez-vous du matériel nécessaire pour assurer la protection des personnels ?

Ce constat a conduit la confédération FO a interrogé les finalités de la reprise en ces termes : « Les conditions de la reprise de l’école amènent à s’interroger quant au sens et à l’efficacité pédagogique, et à son impact sur des enfants en bas âge » au moment même où nous apprenons que ces derniers pourraient contracter la covid-19 sous une forme altérée et particulièrement grave.

Aussi la FNEC-FP-FO, par la voie de sa confédération, souhaiterait-elle terminer cette déclaration liminaire en rappelant ses exigences :
– la fin de l’état d’urgence sanitaire,
– l’abandon des ordonnances sur le droit du travail en matière de congés et de temps de travail,
– le respect du secret médical auquel attentent les justement nommées « Brigades COVID »,
– le respect des statuts et des droits des agents.

Par ailleurs, nous souhaiterions avoir une information transparente sur le nombre de décès de personnels enseignants et administratifs dus au COVID et quelles mesures sanitaires ont été prises dans les établissements où ont été détectés des cas avérés ?

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