Loi Blanquer : délégation intersyndicale auprès du député de Créteil, Choisy-le-Roi, Orly

Le compte-rendu en PDF

COMPTE-RENDU DE LA RENCONTRE AVEC M. LE DEPUTE MBAYE (LREM)

Jeudi 18 avril, Monsieur le député Jean-François Mbaye a reçu, durant deux heures, une délégation composée de parents d’élèves FCPE et de représentants syndicaux du SNUDI-FO 94 et du SNUipp-FSU 94. Cette rencontre, à l’initiative de la FCPE et à laquelle les syndicats enseignants ont été invités, avait pour objectif de faire entendre les très fortes inquiétudes de la communauté éducative concernant le projet de loi « école pour la confiance ».
La délégation est revenue sur plusieurs articles et amendements du projet de loi :

Article 4 bis :
Pour rappel, l’amendement à l’article 4 bis adopté le 30 janvier crée un article 4 bis « Par dérogation à l’article L. 131-2 du code de l’éducation, l’instruction obligatoire peut, au cours des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021, être donnée aux enfants âgés de trois à six ans dans un établissement d’accueil collectif recevant exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans dit « jardins d’enfants ».
La délégation a exprimé les craintes des enseignants et des parents relatives à cet amendement :
• L’instruction peut dorénavant être dispensée dans un cadre qui ne relève pas de l’Education nationale, par des éducateurs de jeunes enfants. Cet amendement nie, de fait, la professionnalité des personnels enseignants titulaires d’un bac + 5, d’un concours, d’une formation et d’une expertise.

• Le mépris ressenti par les enseignants est accentué à la fois par le décret de mars 2018, qui modifie le statut des ATSEM en leur permettant la mise en œuvre des activités pédagogiques, et par la circulaire ministérielle de rentrée qui introduit des formations communes aux ATSEM et aux Professeurs des écoles. Les enseignants de maternelle s’interrogent par conséquent sur leur place et sur leur devenir dans le système éducatif ! Si les bâtiments des écoles maternelles demeurent, cela permet à monsieur le Ministre de dire que les écoles maternelles ne disparaissent pas. Mais quels personnels y dispenseront l’enseignement ?

• La concurrence offerte à l’enseignement public par les jardins d’enfants et les maternelles privées est amenée à se développer. Quand les moyens pour l’école publique diminuent (-8,4 % de postes au concours de professorat des écoles), alors que ceux de l’école privée augmentent (+ 300 postes), il apparait clairement que le gouvernement entend développer et favoriser la scolarité des élèves dans les établissements privés.
Par ailleurs, le projet de carte scolaire dans le Val-de-Marne inquiète fortement la communauté éducative. Ainsi, par exemple, l’école maternelle Danielle Casanova s’est vue prononcer une fermeture conditionnelle faisant tomber la moyenne d’élèves à 30 par classe, ou encore la maternelle Victor Hugo qui devrait pouvoir prétendre à une ouverture de classe mais dont il n’est pas question dans le projet de la DASEN.

• L’avancement de l’instruction obligatoire à 3 ans va engendrer des dépenses nouvelles pour les municipalités qui se retrouvent dans l’obligation de financer les structures privées via les fonds publics. Même si ces nouvelles charges sont censées être compensées par l’Etat, personne ne peut garantir que cette compensation sera pérenne ; dans un cas comme dans l’autre, cela a pour conséquence la soustraction de plusieurs millions d’euros du budget des écoles publiques.

• Enfin, la délégation rappelle son attachement à l’école maternelle, qui occupe une place essentielle dans le système éducatif français, et dont la qualité des enseignements favorise la réussite des élèves de toutes les classes sociales.

M. Mbaye dit entendre et prendre note des inquiétudes formulées. Néanmoins, selon lui, cette dérogation n’a pas vocation à s’étendre au-delà de l’année 2021, et n’a d’autre objectif que de protéger les jardins d’enfants, en leur accordant un délai pour surseoir à leur organisation. Ce sont, selon lui, 400 jardins d’enfants qui seraient supprimés en France à défaut de trouver une autre fonction : crèche, lieu d’accueil périscolaire ou encore école maternelle ! Ainsi, Monsieur Mbaye confirme les craintes de la délégation concernant d’une part l’instruction dans des structures ne relevant pas de l’Education nationale, et dans lesquelles il n’y aurait aucun enseignant, d’autre part la mise en concurrence de ces mêmes structures avec les écoles maternelles publiques !!
Concernant le financement des structures privées, le député se veut rassurant en affirmant que les fonds dispensés par l’Etat ne cesseront pas puisqu’ils sont inscrits dans la loi. La délégation émet de sérieux doutes.

Article 6 : la création des Etablissements Publics des Savoirs Fondamentaux
Plusieurs craintes sont exprimées à ce sujet :
• Le regroupement, en un seul établissement, de plusieurs centaines voire de plus d’un millier d’élèves

• La disparition des directeurs d’écoles, qui sont aujourd’hui des enseignants du premier degré chargé de direction

• La subordination des professeurs des écoles à un principal de collège, au détriment de la souveraineté du conseil des maîtres

• La mutualisation des locaux et des moyens, y compris humains

• La fin des statuts particuliers des enseignants pour aller vers une fusion des corps (1er et 2nd degrés)

• La fin de l’accès au même savoir pour tous, programmée par le recours à l’expérimentation et à la déréglementation au cadre national

• La création d’une école à plusieurs vitesses composée des EPSF, des EPLEI (écoles internationales) et des écoles privées, accentuée par la baisse des moyens dans les écoles publiques

A ces inquiétudes, Monsieur le Député répond que les EPSF sont une opportunité d’abord pensée pour les zones rurales qui vont ainsi pouvoir « mutualiser » et « rationaliser » leurs moyens par un rapprochement géographique entre collège et écoles de « secteur ». Comment le « secteur » est-il défini ? La délégation réagit en opposant que rationaliser équivaut à réduire ; ainsi, en regroupant par exemple six écoles d’un même bassin de vie, cinq directeurs sont assurés de perdre leur poste ! La délégation rappelle également que l’Association des Maires Ruraux de France s’est farouchement opposée à la mise en place des EPSF qui engendrera, selon elle, la fermeture des écoles dans les zones rurales ! Une mère d’élève rapporte qu’ayant effectué toute sa scolarité dans ces zones rurales, il lui aurait été difficilement supportable de devoir effectuer des trajets lointains pour suivre sa scolarité.
M. Mbaye tente de nous rassurer en insistant sur le fait que ces EPSF se feront sur la base du volontariat des collectivités. Il lui est répondu que cela n’aura pour effet que le renforcement de la territorialisation de l’école, soumise aux volontés des élus locaux. Preuve en est l’expérience de la réforme des rythmes scolaires, appliquée dans certaines communes (Vincennes et Maisons-Alfort) à l’encontre des avis des conseils d’écoles et de la communauté éducative.
M. Mbaye cite alors la « cité éducative » de Créteil, qui serait, selon lui, une très bonne initiative locale. L’éclatement de la carte scolaire, la tutelle et les ingérences prévisibles de la Municipalité et les conséquences sur les affectations des enseignants reflètent, au contraire, les conséquences d’une territorialisation de l’école publique ! De plus Créteil n’est pas une zone rurale !
Concernant les directeurs d’écoles, M. Mbaye assure que leur disparition n’est pas à l’ordre du jour. Il assure la délégation de son attachement au fait que chaque école dispose d’un directeur, interlocuteur premier des familles et représentant de l’Institution. Il ne voit aucune menace dans la loi Blanquer.
La délégation lui rétorque, texte à l’appui, que les directeurs ne sont pas cités dans l’article. Elle rappelle également que les compétences des directeurs sont définies par l’article L411-1 du code de l’Education et que ces dernières sont transférées au chef d’établissement. La lettre du ministre de l’Education nationale n’a d’ailleurs pas été en mesure de calmer les inquiétudes des personnels, en affirmant que la fonction, et non les directeurs actuels, ne disparaîtrait pas. Le député s’interroge alors sur les motivations du gouvernement à procéder de cette manière ; il lui est répondu que dans le contexte actuel où la Fonction publique est particulièrement attaquée, le retour en classe de ces milliers de personnels serait une aubaine.
M. le Député nous assure donc de son soutien, en déclarant appuyer notre demande de maintien sur leurs postes des directeurs actuels. Nous lui faisons préciser que les personnels enseignants refusent également tout lien de subordination à ce directeur, ou à un quelconque chef hiérarchique autre que les Inspecteurs de l’Education Nationale, garants de l’application des directives nationales et, de fait, garants d’une Education nationale.
Enfin, le député nous demande quels amendements permettraient de faire accepter ces EPSF à la communauté éducative. La délégation lui répond qu’elle ne veut pas de ces établissements, et que la communauté éducative est lasse de se voir imposer des réformes pensées et mises en œuvre au détriment et à l’insu des enseignants et des parents d’élèves. Nous lui faisons savoir les revendications portées par les directeurs actuels : davantage de décharges, une revalorisation du régime indemnitaire et une aide administrative.

Article 5 : l’école inclusive et la mise en place des PIAL
La délégation alerte monsieur le Député sur les conséquences de la mise en œuvre des Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisé :
• Le non respect des besoins d’accompagnement des élèves en situation de handicap

• La difficulté pour les AESH d’apporter une aide efficace à plusieurs élèves de manière simultanée, particulièrement en cas de handicaps différents

• La nécessité induite pour les équipes pédagogiques de regrouper les élèves à besoins particuliers dans les mêmes classes, au détriment des élèves eux-mêmes, de la classe et de l’enseignant

M. Mbaye rejoint le constat formulé par la délégation. Il s’accorde à dire que les AESH devraient pouvoir bénéficier d’un emploi statutaire préalable à une meilleure rémunération. Néanmoins, il pose la question du recrutement de ces personnels pour lesquels il n’existe pas de formation diplômante. Il affirme également que c’est un problème qui perdure depuis de nombreuses années, mais que les gouvernements successifs ont éludé. Selon lui, les PIAL seraient une réponse à l’urgence de couvrir les besoins en AESH. La délégation lui oppose que leur mise en œuvre ne fera qu’accentuer les difficultés rencontrées par les équipes enseignantes et les accompagnants.

Le cadre législatif du projet de loi
Enfin, la délégation revient sur les conditions de rédaction et de vote de la loi Blanquer.
Alors que le Ministre avait annoncé ne pas faire de nouvelle loi à son arrivée au ministère, celui-ci est à l’origine d’un projet truffé d’amendements de dernière minute. Le vote des EPSF en première lecture à l’Assemblée nationale, par seulement 35 députés sur 42 présents, est la preuve d’un dysfonctionnement important des institutions. Dans ces conditions, la délégation informe M. Mbaye que, quel qu’ait pu être le contenu de la loi, aucune confiance ne pouvait être attendue de la part de la communauté éducative qui n’a jamais été consultée.
M. Mbaye reconnait que les conditions dans lesquelles le projet de loi a été écrit et voté ne sont pas satisfaisantes. Il justifie cet état de fait par l’extrême sollicitation des députés qui sont amenés parfois à siéger de longues heures dans l’hémicycle.
Les délégués du personnel lui rappellent alors que les organisations syndicales exigent le retrait de la loi Blanquer, qui ne répond à aucune revendication des personnels mais qui, au contraire, fait éclater le caractère national de l’école. Ils l’informent également des formes de mobilisation en œuvre sur le département et plus généralement sur le territoire : manifestations, grèves, tenue d’assemblées locales et départementales intersyndicales, …
M. Mbaye dit être dans l’impossibilité de demander le retrait de ce texte, ou de voter contre. Il propose à la délégation de rédiger conjointement des amendements, sur la base des revendications des personnels, qu’il s’engagera à défendre au sein de sa majorité.
La délégation lui répond qu’il n’existe aucun point d’appui à une réécriture du texte, que tous les articles de la loi ne visent qu’à opérer l’éclatement de l’Education nationale au profit des collectivités territoriales ou des établissements privés.
Enfin, le député demande à la délégation d’énoncer les points qui ne devraient pas figurer dans la loi. Il lui est répondu : les EPSF, les PIAL, le statut de supérieur hiérarchique du directeur, un quelconque lien de subordination avec un principal, l’amendement sur les maternelles, le recours à l’expérimentation, la préprofessionnalisation des AED. Soit l’ensemble de la loi !

M. Mbaye se propose de recontacter les membres de la délégation pour les informer des amendements qu’il portera à la majorité parlementaire.

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