Evaluations d’école : courrier du SNUDI-FO 94 à l’IEN-A

Le courrier en PDF pour impression

Samia AIT ELHADJ

Benoît BALORDI

Co-Secrétaires départementaux

À

Madame l’Inspectrice de l’Éducation Nationale adjointe à l’IA-DASEN

Créteil, le 15 octobre 2025

Objet : votre courrier relatif aux évaluations d’école

 Madame l’Inspectrice de l’Éducation nationale adjointe à l’IA-DASEN

Notre organisation syndicale a été saisie par un très grand nombre d’enseignants, qui ont reçu ce matin un courrier émanant de votre part, dont l’objet est « refus de participer aux évaluations d’écoles 2025-2026 ».

Nous souhaitons tout d’abord exprimer notre étonnement quant à l’emploi du terme « refus ». À notre connaissance, aucun collègue n’a utilisé ce terme dans les courriers adressés aux IEN. Les collègues ont, par courtoisie, informé leur hiérarchie de leur non volontariat.

Parler de « refus » suppose qu’une injonction ou une convocation aurait été formulée, ce qui n’est pas le cas. Une telle formulation laisse entendre une désobéissance, ce qui ne reflète en rien la démarche des collègues concernés.

Nous vous demandons donc de ne pas transformer les écrits de nos collègues et de bien vouloir respecter la teneur et l’intention des messages adressés, sans leur prêter une position qui ne correspond pas aux propos tenus.

Ce courrier, adressé aux enseignants du département qui ont exprimé qu’ils n’étaient pas volontaires pour participer aux réunions concernant l’évaluation d’école, leur demande expressément de revoir leur position et de « s’inscrire dans une dynamique visant à participer à la démarche d’évaluation prévue, telle qu’arrêtée par l’autorité académique. »

Madame l’Inspectrice de l’Éducation Nationale Adjointe, les professeurs des écoles ont des obligations réglementaires de service qu’ils doivent respecter, comme tout fonctionnaire. « S’inscrire dans une dynamique visant à participer à la démarche d’évaluation » n’en fait pas partie.

Il y a manifestement une confusion entre l’obligation qui peut être celle du représentant du Ministre dans le département et les obligations qui sont celles des professeurs des écoles, chargés ou non de direction, qui ne sont pas personnels d’autorité.

En effet, vous faites référence à la loi du 26 juillet 2019 pour une École de la confiance, qui instaure le Conseil d’Évaluation de l’École (CEE). Si, effectivement, l’article 40 crée et définit la fonction du Conseil de l’Évaluation de l’École « chargé d’évaluer en toute indépendance l’organisation et les résultats de l’enseignement scolaire » et précise que ce Conseil d’évaluation « définit le cadre méthodologique et les outils des autoévaluations et des évaluations des établissements conduites par le ministère chargé de l’éducation nationale, et analyse les résultats de ces évaluations (…). », il ne précise d’aucune manière les obligations des enseignants dans ces évaluations. En effet, nulle part, dans cet article 40, ou dans les suivants, n’est écrit que la participation des enseignants aux évaluations d’école est rendue obligatoire par cette loi, ce qui nécessiterait de modifier leurs obligations réglementaires de service. Il n’est d’ailleurs fait aucunement mention des enseignants et de leurs obligations. Affirmer que la loi Blanquer a rendu obligatoire la participation des enseignants aux évaluations d’école est donc faux.

Par ailleurs, si les autoévaluations et évaluations des établissements ont bien un cadre législatif, pour autant aucun décret ni aucun arrêté ne les met en place. Quant au cadre méthodologique de l’évaluation des écoles, défini par le CEE, il ne peut être considéré comme un texte réglementaire.

À ce titre, nous permettons de vous rappeler que la loi Haby du 11 juillet 1975 et le décret du 28 décembre 1976 ont créé les conseils d’école. Pour autant, pendant quinze ans, une infime minorité d’écoles ont vu les conseils d’école se réunir et, la plupart du temps, pour ceux qui se sont réunis, seule une toute petite partie des enseignants était présente. Aucun enseignant non volontaire pour participer à ces conseils d’école n’a subi de retrait de salaire pour service non fait. À cette époque, les obligations réglementaires de service des enseignants du 1er degré étaient exclusivement établies en heures d’enseignement devant élèves. Bien que l’existence du conseil d’école était reconnue dans la loi, la participation des enseignants n’était pas inscrite dans leurs obligations de service. La situation n’a changé qu’en 1989-1990, avec la publication des loi et décret Jospin qui ont modifié les obligations de service des enseignants du 1er degré et y a introduit explicitement l’obligation de participer aux conseils d’école.

On voit donc clairement qu’il ne suffit pas qu’une instance soit créée ou reconnue par la loi pour y rendre obligatoire la participation des enseignants. Si la participation à cette instance ne figure pas dans les obligations réglementaires de service des enseignants du 1er degré, elle ne peut donc leur être imposée.

Votre courrier prend également appui sur l’article 120-10 du code général de la fonction publique pour tenter de contraindre les enseignants à participer à l’évaluation de leur école : « L’agent public doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. »

Ainsi, vous exigez des enseignants qu’ils se conforment « aux instructions de (leur) autorité hiérarchique ». Si ce principe existe bien, les exigences ou instructions faites aux enseignants, comme à tout fonctionnaire, doivent reposer sur des textes réglementaires. Ce n’est pas l’autorité qui fait loi mais la loi qui donne à l’autorité sa légitimité. Or, les obligations de service des enseignants sont régies par des lois et des décrets.

Nous rappelons donc que les professeurs des écoles disposent d’un statut particulier encadré par le décret n°90-680 du 1er août 1990 et que leurs obligations réglementaires de service sont strictement encadrées par le décret n°2017-444 du 29 mars 2017. Or, les évaluations d’école ne figurent nulle part dans ces obligations réglementaires de service. Aucun décret, ni aucun arrêté, aucun texte réglementaire ne définit d’ailleurs la moindre obligation des enseignants du premier degré à mettre en œuvre les évaluations d’école.

Enfin, nous nous permettons de rappeler que, dans la Fonction publique, toute mesure nécessite une déclinaison réglementaire d’application en l’absence de laquelle les agents ne peuvent être inquiétés ou encore soumis aux pressions hiérarchiques. Par ailleurs, il existe encore une hiérarchie des normes juridiques, et c’est en ce sens que le statut particulier des professeurs des écoles prévoit des obligations propres en particulier concernant les missions et le temps de travail.

Aussi, les évaluations d’école ne sauraient être mises en œuvre que sur la base du volontariat ; aucun enseignant ne peut être contraint à les mettre en œuvre et, a fortiori, être sanctionné pour ne pas avoir pris part à des réunions à ce sujet, à partir du moment où il a effectué ses obligations réglementaires de service.

Madame l’Inspectrice de l’Éducation Nationale Adjointe, pour un professeur des écoles, ne pas participer à l’évaluation de son école n’est donc pas un acte de désobéissance, c’est simplement un droit garanti par son statut et ses obligations de service.

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à ce courrier et vous prions de croire, Madame l’Inspectrice de l’Éducation nationale, en l’assurance de notre attachement à l’École de la République, au respect des textes nationaux et des droits statutaires des professeurs des écoles que nous représentons.

P/ le SNUDI-FO 94

Samia AIT ELHADJ

Benoît BALORDI

Co-Secrétaires départementaux

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